Overblog
Editer l'article Suivre ce blog Administration + Créer mon blog
Le pot de Collet

Mon fourre-tout de pensées sur l'actualité et le monde

Une France xénophobe ?

Une France xénophobe ?

Deux ans plus tard, difficile de dire ce qu'il reste de "l'esprit du 11 janvier 2015". Si pour certains ce souvenir renvoie à l'image d'un peuple uni dans la défense de ses valeurs, d'autres ont rapidement pointé l'illusion d'une unité retrouvée dans le déni des fractures qui traversent le pays. Du 13 novembre à l'attentat de Nice, les attentats qui ont endeuillé la France ont chacun contribué à l'extinction de cette flamme sur laquelle François Hollande comptait pour rassembler. Il faut dire que très vite, "l'esprit du 11 janvier" a rapidement rencontré ses détracteurs, au premier rang desquels l'historien Emmanuel Todd. Ce dernier y a vu l'expression d'une "passion islamophobe" partagée par les classes moyennes-supérieures et blanches, peuplées de "catholiques zombies" qui revendiquaient "le droit de caricaturer les plus faibles". Cette lecture polémique de l'événement a de nombreuses fois été contestée. Au delà de l'interprétation de cet événement hors norme, il semblerait acquis que cet "esprit du 11 janvier" se soit bel et bien évaporé. Est-ce réellement le cas? Pascal Ory, historien et auteur de "Ce que dit Charlie, Treize leçons d'histoire" (éd. Gallimard) affirme au contraire que c'est un événement historique unique qui a profondément marqué la société française. Et il l'explique au HuffPost. Je confirme ce que j'expliquais à ce moment là, à savoir que le plus important –car le vrai 'imprévisible'- de 2015 n'était pas dans les attentats mais dans la réaction de la société française. Ces "marches républicaines" témoignaient que la société réagissait plutôt par l'unanimisme (qui n'est pas l'unanimité), pas par la crispation identitaire. J'avais dit qu'il était très frappant pour un historien de voir quatre millions de personnes défiler avec des mots d'ordre de fraternisation, style "Je suis Charlie", "Je suis juif", "Je suis Arabe", "Je suis flic", etc., plutôt que d'en voir quarante mille descendant dans la rue en criant "Mort aux Arabes". L'histoire mondiale a souvent connu le second cas de figure. L'existence d'une minorité "Je ne suis pas Charlie" n'avait rien de surprenant dans une démocratie libérale. Une minorité hétérogène, puisqu'elle regroupait une partie de la gauche radicale, une bonne partie des forces islamistes et, surtout, une forte dose de sympathisants du Front national. La montée du Front ne s'explique pas par les attentats. C'est une dynamique identitaire qui a commencé bien avant et qui, au reste, touche mécaniquement d'autres pays européens qui n'ont pas été ciblés par le terrorisme. Que répondez vous à ceux qui, à l'image d'Emmanuel Todd, affirment que le 11 janvier était artificiel et qu'il répondait au désir des "catholiques zombies" d'exprimer une forme d'islamophobie? Sur cette question, je maintiens ce que je dis dans mon livre. Les analyses qui ont été faites sur les manifestants allaient exactement dans le sens contraire de la thèse en question. Les islamophobes se sont partagés entre Charlie et Pas-Charlie –et les plus "catholiques zombies" étaient plutôt Pas-Charlie. Les Charlie réunissaient un large spectre idéologique allant de libertaires amis du journal à la droite classique, avec un axe clairement décentré vers la gauche. Avec le 13 novembre ou l'attentat de Nice, "l'esprit du 11 janvier" s'est-il envolé? Envolé? D'une part, la volatilité idéologique n'a jamais été grande, dans tout l'Occident. Ce n'est pas un phénomène particulier à la France, ni particulier à cette question. C'est la rançon d'une culture plus individualiste que jamais. Entendons par là que si –au contraire d'une légende idéologique répandue- 'l'individu' a toujours existé –c'est une illusion d'optique qui nous fait croire à un communautarisme intégral-, notre époque offre à cet individu les moyens d'un individualisme radical. En revanche, plus la France sera attaquée, plus la crispation gagnera du terrain. Un pays agressé périodiquement se durcit périodiquement. Mais au regard de ce que la France a déjà vécu, il est remarquable, presque étonnant, que les institutions, les médias, les forces culturelles et sociales –à l'exception de l'extrême droite, qui reste minoritaire- n'aient pas basculé dans la xénophobie, qui était plus prégnante dans la France des années 30. Je rappelle que l'objectif de la stratégie terroriste est que le "Système" agressé se durcisse –il l'a fait, comme l'avait fait la France des 'lois scélérates' dans les années 1890- et que, de là, il tombe. Depuis que le terrorisme existe, les "Systèmes" attaqués se sont durcis, mais aucun n'est tombé. François Hollande a-t-il eu tort d'avoir voulu capitaliser sur "l'esprit du 11 janvier"? Il était dans son rôle de chef d'État, de président, garant de l'unité nationale. Un autre président –Marine Le Pen ou Jean-Luc Mélenchon- aurait fait la même chose, sauf à commettre une magistrale erreur de stratégie. C'est fonctionnel. À ce propos, le Front national, en adoptant une attitude de réserve face à cette union sacrée, était lui aussi dans son rôle, visant à se distinguer du "Système". C'est dans la logique d'un parti extrémiste.

Partager cet article
Repost0
Pour être informé des derniers articles, inscrivez vous :